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Grave : qui mange quoi ?

En une phrase, Grave raconte l'histoire de Justine, une étudiante en 1ère année de vétérinaire, dont la période de bizutage va la faire basculer d'un végétarisme au cannibalisme. Le vrai. Celui où des gens mangent de la chaire humaine.

Ce qui intéresse la réalisatrice du film, ainsi qu'elle l'énonce en interview, c'est la métamorphose comme état d'esprit : "une manière de penser et de voir le monde"*

Mais le cannibalisme de Grave n'est peut-être pas celui que l'on croit... 

Justine, en tant que "1ère année", subit un bizutage sévère : ingestion de rein de lapin, douche de sang animal, humiliation sexuelle, harcèlement moral, etc.

Et qu'est-ce que le bizutage sinon l'absorption, voire la dévoration (par la violence) de l'individu par un corps social dominant ? Le bizutage est une cérémonie, un rituel comme le repas demeure une mise en scène. Face au "manger ou être manger", Justine, en s'adonnant au cannibalisme et en acceptant progressivement ce nouvel état, propose une réponse étonnante : "manger ET être manger".



A la violence institutionnelle du bizutage, Justine réagit par une transgression morale. Son cannibalisme n'est pas une prédation, mais une question de survie. Voilà toute la force, l'originalité et la "gravité" de ce film, que les anglo-saxon ont préféré titrer Raw (cru), insistant sur le prédicat plutôt que sur le tabou lui-même.

Grave (2016), de Julia Ducournau, avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Laurent Lucas.

* Positif n°673, mars 2017.


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