Accéder au contenu principal

Bianca : Moretti et ses Sachertorte


Dans Bianca, l'un des premiers films de Nanni Moretti, le personnage de Michele, prof de mathématiques interprété par le réalisateur italien, a la fâcheuse manie de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Il s'immisce dans les relations de ses voisins ou de ses amis, prodiguant ses conseils (pas forcément avisés) à qui veut bien l'écouter. 

Et si certains ont le malheur de s'écarter de la bonne conduite qu'il a fixé, il les zigouille... 

En plus de se nourrir du bonheur des autres, Michele fait preuve d'un amour particulier pour les pâtisseries. Là encore, son intransigeance n'a pas d'égal. Invité à un dîner, il va par exemple engueuler son hôte, car celui-ci coupe le mont-blanc - ce gâteau à la purée de marrons - d'une mauvaise manière : 

"Arrêtez de faire des tunnels ! Vous grattez en dessous et vous me volez toute la crème ! Les châtaignes au-dessus toutes seules, ça n'a plus de sens ! Le mont-blanc, c'est pas une pizza calzone où tout est à l'intérieur comme un sac à dos qu'on prend pendant les vacances. Le mont-blanc est un gâteau plus que délicat !" 


Sa rigidité se double d'une inclinaison aux idées préconçues. Lorsque Bianca (Laura Morante) lui offre une glace parfum fraise-citron-praliné-crème, il ne veut pas y goûter puisqu'il a décrété que ce sera de toute façon mauvais. 

Si Michele jacasse tant, c'est évidemment pour combler le vide affectif de sa vie. D'ailleurs, de quoi rêve la nuit ? D'un gigantesque pot de Nutella pour s'en bâfrer à n'en plus finir.



La pâtisserie ultime, d'après le prof de math, c'est le sachertochte, gâteau viennois composé d'une génoise au chocolat fourrée de confiture d'abricots et recouverte d'un glaça également au chocolat. 

"Hé bien, continuons ainsi et faisons-nous du mal..", grince-t-il face à quelqu'un qui lui avoue n'en avoir jamais goûté. 
Lors de son premier rencard avec Bianca, il lui sert justement une part de sachertorchte accompagnée de généreuses cuillerées de crème fouettée. 


Nanni Moretti est lui-même un fan de ce gâteau autrichien. Au point d'avoir baptisé sa société de production "Sacher Film", sa société de distribution la "Sacher Distribuzione", son festival de courts-métrages "le Sacher Festival" (décernant évidemment le "Premio Sacher") et même la salle de cinéma, qu'il a racheté, en "Nuovo Sacher".

À ce niveau-là, ce n'est plus de la gourmandise. Mais de l'obsession. 


Bianca (1984), de Nanni Moretti, avec Nanni Moretti, Laura Morante, Roberto Vezzosi. 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les meilleures répliques de films sur la bouffe (1)

« Moralité, je me suis bourré de pistaches comme un con »  Jean-Pierre Bacri, Cuisine et dépendances « Comment est votre blanquette ? »  Jean Dujardin, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions « Ça doit être les moules qui sont avariées » , Benoit Poelvoorde, C’est arrivé près de chez vous « Spartiates ! Mangez vos victuailles avec appétit... car nous dînerons en enfer ce soir ! » Léonidas, 300 « Tu es bella comme la papaya »  Stuart, Les Mignons « Dis, on t’as jamais appris à manger avec la bouche fermée toi ? C’est à toi qu’je cause hein ! J’ai l’impression d’être à côté d’un camion poubelle qui travaille moi, ici ! Conasse va ! » François Damiens, Dikkenek « Laisse le flingue, prends les cannelloni »  Peter Clemenza, Le Parrain « Il doit y avoir une erreur, vous m’avez donné accidentellement la nourriture que ma n...

Les Visiteurs : l’art de (pas) bien se tenir à table

« Ou sont les poulardes ? J’ai faim ! Où sont les veaux, les rôtis, les saucisses ? Où sont les fèves, les pâtés de cerf ? Qu’on ripaille à plein ventre pour oublier cette injustice ! Y’a pas quelques soissons  (1)  avec de la bonne soivre (2) ? Un porcelet ? Une chèvre en rôti ? Quelques cygnes blancs bien poivrés ? Ces amuse-bouches m’ont mis en appétit !!! » Pendant que le comte Godefroy de Montmirail (Jean Réno) beugle son menu idéal en tapant sur la table, son serviteur Jacquouille la Fripouille (Christian Clavier) perce l’opercule de son yaourt avant de l’engouffrer à la main, s’en barbouillant le visage.  Quelques scènes avant, Jacquouille se servait de la salade avec les mains avant de recracher le tout. « Pardonnez ce maroufle, mais il est si triste d’apprendre qu’un gueux possède Montmirail » , justifiait le comte.     S’ensuit les ver...

Le Voyage de Chihiro : la nourriture à tous les étages

La nourriture est indissociable des films du studio Ghibli, tant et si bien qu'en 2017 naissait sur Instagram le hashtag #GhibliFood.  Petite revue des nombreuses fonctions de la bouffe dans Le Voyage de Chihiro .   - Un péché d'orgueil Dans cette ville à l'abandon, les parents de Chihiro découvrent un stand richement garni de mets délicieux. Ils s'empressent de s'assoir et de se baffrer. La fillette est mal à l'aise et s'inquiète de ce que diront les gens du parc. "J'ai ma carte de crédit" répond le père. Les parents représentent un Japon moderne, consumériste, faisant peu de cas d'autrui. Leur orgueil (et gourmandise) sera puni puisqu'ils seront transformés en gros cochons.     - Un antidote Lorsque la nuit tombe sur le parc, Chihiro commence à disparaitre. Haku lui donne une baie à manger afin qu'elle ne se transforme pas en cochon.     - Un moyen d'échange Face au refus de Lin de s'occuper de Chihiro, le viellard-araig...