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Articles

Affichage des articles du mars, 2021

Et l'homme créa la femme : puis il créa le robot de cuisine

Roman d'Ira Levin (auteur également de Rosemary's Baby ), The Stepford Wives raconte l'emménagement d'une photographe talentueuse et de son mari dans la petite ville fictive de Stepford, dans le Connecticut, où toutes les femmes sont des épouses soumises, incroyablement belles et étrangement amorphes... Ce roman anti-macho flirtant avec la SF a connu un tel succès que l'expression "Stepford Wife", est entrée dans le langage courant pour désigner une épouse servile, fade, et qui a stoppé sa carrière professionnelle afin de céder à tous les caprices de son mari. Et l'homme créa la femme est la seconde adaptation au cinéma de cette histoire ouvertement féministe. Le générique joue avec des images de publicité des années 1950 pour robots ménagers. En ces temps-là, les marques d'électroménager prétendaient vouloir "libérer" la femme grâce à leurs produits toujours plus modernes : batteur électrique, grille-pain aux lignes épurées, four encastr

Perfect Sense : le goût du goût

Une mystérieuse pandémie prive l'humanité de l'odorat, puis, du goût, puis les autres sens. Comment vivre avec ? Comment l'humanité s'adapte en cas de catastrophe ?  Voici l'argument de Perfect Sense , une fable qu'on ne peut regarder sans la comparer avec notre quotidien Covid-19. Une mystérieuse voix off énonce la plus terrible conséquence de la disparition du goût : "La plus grande perte, ce sont les souvenirs. L'odeur et les souvenirs sont liés. La cannelle rappelle un tablier de grand-mère, l'odeur de foin coupé, la peur qu'on avait des vaches. Sans odeur, un océan d'images du passé disparait." Les enjeux dramatiques du film sont matérialisés à travers la relation amoureuse, à Glasgow, entre le chef de restaurant Michael et l'épidémiologiste Susan. Les scènes dans la cuisine de Michael nous rappellent alors que la nourriture, outre sa réponse à un besoin primaire, demeure une stimulation des sens. Lorsque le goût et l'od

Malcolm & Marie : le mac' n cheese de la tristesse

Malcolm, réalisateur et scénariste, revient de l'avant-première de son film et se lance dans un débrief' de la soirée avec Marie, sa petite amie, elle-même actrice - bien qu'elle n'ait pas joué dans le film de son compagnon. Marie lui prépare un mac' n cheese. Soit des macaroni au fromage, confort food par excellence de nos amis américains. Mais à l'écran, quelque chose ne va pas. Les gestes sont brusques. Le montage est heurté. Un malaise s'installe progressivement. La discussion n'est plus badine. Marie semble avoir des reproches envers Malcolm. Ce mac' n cheese, ce n'est pas le plat qu'une femme prépare avec tendresse à son amoureux. C'est la démonstration de Marie qu'elle se sent rabaissée à un statut d’accessoire, de trophée, de simple "jolie copine du réalisateur." Puisqu'il n'a pas su voir en elle l'actrice quelle est, et lui proposer le rôle pour son film, elle se conforme à l'image qu'il se fait

Chambre 212 : passage éclair

La nourriture en guise de sexe, Christophe Honoré ne l'a évidemment pas inventé. Mais il s'en sert admirablement bien dans Chambre 212 . Dans cette scène, la prof de piano Irène se remémore à l'écran la passion qu'elle a vécu avec Richard, l'un de ses élèves : "Dès qu'il arrivait à la maison, il se précipitait à la salle de bain pour prendre une douche. C'était l'heure du goûter. Je lui achetais un éclair au chocolat ou au café, puis il me rejoignait près du piano." Cet éclair devient leur relation charnelle. Alors qu'un plan montre Irène caressant le dos nu de Richard et tournant délicatement la page de la partition, la prof de piano explique qu'ils ont fêté ensemble ses 15 ans, 16 ans, 17, 18, 19, 20, 21, 22 ans. A chaque âge égrainé, un plan d'éclair entamé. La pâtisserie est ici autant le temps qui passe que cette relation consommée. Chambre 212 (2019), de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste, Camille Cot