On
se rappelle tous de cette histoire d’adultère dans le Hong Kong chatoyant du
début des années 60 : les qipaos
parfaitement ajustées que porte Mme Chan (Maggie Cheung) et les volutes de
fumée des cigarettes de Mr Chow (Tony Leung) ; leurs corps se frôlant
au ralenti ; les scènes du quotidien dans l’immeuble communautaire où vit la diaspora
shanghaïenne ; cette mousson de fin journée qui suspend le temps et fige
les corps ; les regrets d’un amour manqué accompagnés par le violon
mélancolique du Yumeji’s Theme
composé par Shigeru Umebayashi.
Mais tout cela devait être un film légèrement différent.
Wong Kar-wai avait plutôt en tête un film centré sur une invention
technologique révolutionnant la société chinoise : l’autocuiseur.
Dans l’une des versions du scénario, la femme de Mr. Chow était une écrivaine
talentueuse. Elle demeurait confinée à la maison pour s’occuper des repas,
activité ô combien chronophage. Au début du film, Mr Chow apprend que son voisin de
palier est un vendeur d’autocuiseurs japonais. Il essaie alors d’en obtenir un
afin de libérer son épouse des corvées de cuisine.
L’autocuiseur est tout de même présent dans la version finale d’In the mood for love. Rapporté du Japon
par le mari de Mme Chan, il fait le bonheur de la logeuse de l’immeuble et
l’ébahissement des résidents.
L’appareil sera également l’élément déclencheur de la relation Chan/Chow :
quand le voisin répond à M. Chaw, venu rembourser l’autocuiseur, que sa femme
lui a déjà réglé la somme, on comprend alors qu’il est cocu.
Wong Kar-wai voulait également parler d’une autre grande révolution
domestique : les nouilles instantanées.
Dans le film, les habitants de l’immeuble mangent tous ensemble les nouilles. Mme Chow, préférant la solitude, doit alors sortir avec sa gamelle pour en acheter au restaurant du coin.
Dans le film, les habitants de l’immeuble mangent tous ensemble les nouilles. Mme Chow, préférant la solitude, doit alors sortir avec sa gamelle pour en acheter au restaurant du coin.
Wong Kar Way voulait montrer que l’apparition des nouilles instantanées, au tournant des années 70, a marqué une certaine forme de rupture du lien social :
« Les nouilles instantanées sont si
instantanées que les gens les mangent seuls. C’est une façon très pratique de
se nourrir, mais aussi très solitaire », expliquait le réalisateur
lors d’une conférence.
L’amour a véritablement besoin de temps (long), et les ralentis stylisés d’In the mood for love sont là pour nous
le rappeler.
In The Mood For Love (2000), réalisation de Wong Kar-wai, avec Maggie Cheung, Tony Leung
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