Signifier le désir (ou l'acte) sexuel par un aliment est une vieille habitude du cinéma. Quand un personnage tend à un autre une fraise, une pomme, une pêche, une figue, une papaye - des fruits en général - c'est la plupart du temps une invitation à la Chose.
Dans La Forme de l'eau, Guillermo Del Toro choisit un oeuf, symbole immémorial de vie, de fertilité et de renouveau.
Le réalisateur mexicain n'est évidemment pas le premier à Hollywood : dans Drôle de mariage (1940), Carole Lombard caresse langoureusement la main de Charles Laughton pendant que ce dernier mange ses oeufs, et dans Qu'est-ce que maman comprend à l'amour (1958), John Saxon demande la main de Sandra Lee en lui plaçant un oeuf dans la paume de sa main.
Il n'y a guère qu'Alien (déjà évoqué ici) où l'oeuf est autant synonyme de mort. Mais revenons à La Forme de l'eau.
Chaque soir, avant de gagner la base militaire où elle est femme de ménage, Eliza (Sally Hawkins) se fait couler un bain, lance à bouillir trois oeufs, puis se glisse dans la baignoire. Elle en profite alors pour se masturber - preuve que la "princesse" n'attend pas un "prince" pour la délivrer/baiser. La caméra s'écarte pudiquement de Sally pour recadrer sur un objet posé sur le rebord du lavabo : un minuteur en forme... d'oeuf.
L'eau et l'oeuf sont ainsi, dès l'ouverture du film, associés à la sexualité.
Aussi, quand Sally offre ses oeufs à l'étrange créature aquatique emprisonnée dans la base, sorte de Dieu de la rivière pour qui elle nourrit un désir grandissant, le sens est sans équivoque : c'est elle-même qu'elle offre.
"Voici mon oeuf, je veux te faire des petits tritons".
Hollywood, qui ne perd jamais le nord ni le sens du business, a eu l'idée de sortir au moment du film un goodie malin : le fameux minuteur griffé La Forme de l'eau. Utile pour se cuire un oeuf tout en s'autorisant quelques rêves humides de ce qui nous attend dans l'eau.
La Forme de l'eau (2017), de Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins, Doug Jones et Michael Shannon.
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