Ce n'est pas le plus connu des films d'Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles, Pompoko), mais ce n'est pas le moins beau. Souvenirs goutte à goutte raconte l'enfance de la petite Takeo, dans le Japon des années 60.
Celle-ci a des rapports complexes avec la nourriture.
À la cantine de l'école, on n'a le droit de ne laisser qu'un seul des droits plats servis. La fillette cache alors les crudités dans son pain et le ramène discrètement à la maison.
"Tu fais trop la difficile. Je préfère avoir une fille qui mange de tout plutôt qu'une fille qui ne se débrouille pas trop mal en rédaction", lui reproche sa mère, inculquant déjà les préceptes de docilités de la jeune fille "bien comme il faut".
À la cantine, Takeo s'arrange alors avec son voisin de table : elle lui troque ses navets et oignons, qu'elle déteste, contre son lait qu'il n'aime pas mais qu'elle apprécie. Se nourrir, c'est aussi savoir négocier.
À la cantine, Takeo s'arrange alors avec son voisin de table : elle lui troque ses navets et oignons, qu'elle déteste, contre son lait qu'il n'aime pas mais qu'elle apprécie. Se nourrir, c'est aussi savoir négocier.
Un soir, le père rapporte un ananas. Takeo, ses grandes sœurs, la mère et la grand-mère contemplent ce fruit qu'elles n'ont jamais goûté - nous sommes dans les années 1960, souvenons-nous. Mais personne dans la maisonnée ne sait comment exactement se coupe le fruit !
La mère propose de le manger le dimanche prochain. Takeo est impatiente :
La mère propose de le manger le dimanche prochain. Takeo est impatiente :
"Pourquoi on ne le mange pas tout de suite ?
- Parce qu'on doit attendre de savoir comment faire"
Les filles se rabattent alors sur une banane, observant l'ananas et se demandant bien quel goût cela a, fantasmant ce fruit.
Les filles se rabattent alors sur une banane, observant l'ananas et se demandant bien quel goût cela a, fantasmant ce fruit.
Lorsqu'une des sœurs a appris comment préparer l'ananas, toute la famille se réunie et l'observe couper délicatement le fruit : on l'étête, puis on le coupe en quatre, on enlève le cœur, puis la peau, puis on le coupe en grosses lamelles.
Chaque geste est réalisé avec une extrême minutie, dans une ambiance quasi cérémoniale. Ce n'est plus un goûter, mais un évènement. Une célébration.
Chaque geste est réalisé avec une extrême minutie, dans une ambiance quasi cérémoniale. Ce n'est plus un goûter, mais un évènement. Une célébration.
Toute aussi cérémonieuse, la dégustation se fait en silence, dans des assiettes, tous assis autour de la table. Le verdict ne tarde pas à tomber : "Ça n'a rien d'exceptionnel", "C'est tout dur", "Ça n'a rien à voir avec ceux qu'on trouve en conserve", "C'est pas très sucré".
Déçues, ses sœurs vont prendre une banane. "Le roi des fruits, de toute façon, c'est quand même la banane".
Mais Takeo, désormais adulte, l'avouera aussi : "Le roi des fruits, c'était bien la banane".
Pourtant, quoi de plus beau que de rêver le goût des choses. Mieux vaut-il ne jamais goûter aux choses dont on a le plus rêvé.
Cet ananas illustre enfin le passage du Japon de l'après-guerre à la société de consommation moderne. L'alimentation se trouve chamboulée par l'importation de nouveaux fruits et légumes jusqu'alors inconnus. Et à en croire la réaction de la famille de Takeo, la nouveauté a souvent un goût étrange.
Cet ananas illustre enfin le passage du Japon de l'après-guerre à la société de consommation moderne. L'alimentation se trouve chamboulée par l'importation de nouveaux fruits et légumes jusqu'alors inconnus. Et à en croire la réaction de la famille de Takeo, la nouveauté a souvent un goût étrange.
Souvenirs goutte à goutte (1991), d'Isao Takahata
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