Resnais appartient donc, tout comme ses collègues de la Nouvelle Vague Rohmer et Chabrol, à la famille des cinéastes de la fourchette.
Et cela se voit dans ses films.
Prenons Muriel, ou le temps d'un retour. De nombreux plans mettent en scène le repas, en intérieur ou au restaurant.
15e minutes du film. Nous avons autour de la table : une femme et un homme qui furent amants il y a 20 ans avant de se perdre de vue; une jeune fille que l'homme fait passer pour sa nièce alors qu'elle est clairement sa maitresse ; et un jeune homme de retour de la guerre d'Algérie et ployant sous le poids d'un lourd secret.
A priori, ces personnages auraient des choses importantes à (se) dire. Pourtant les banalités d'usage s'enchaînent :
" Moi qui aime tellement le cristal ! "
" J'ai acheté du poulet chasseur avec une sauce très légère et des champignons "
" Vous n'avez pas repris de fenouil ni de choux rouge, réclamez ! "
" Vous êtes bien fourni ici ?
- Oh j'ai toujours les mêmes fournisseurs "
" Je n'aime pas le poulet, je vais me faire cuire des œufs"
" Ça aurait été plus simple de dîner au restaurant"
La table est la scène où l'on joue un rôle. Quand, dans la cuisine, la femme remplie le baba au rhum de crème que lui tient l'homme, il n'arrivent à s'échanger un mot. Elle le dépose sur la table. Mais au plan suivant, le baba au rhum posé sur la table est presque terminé. Un faux raccord volontaire qui souligne que, sous le verni des politesses et derrière les sourires, le malaise persiste.
Mais, dans Muriel, la table est aussi le moment de vérité. C'est au cours d'un repas, en toute fin du film, que la vérité éclate et que l'ancien amant est mis face à ses mensonges !
(1) Alain Resnais, de Jean-Luc Douin, édition de la Martinière, p.249
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