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La Fureur de vivre : got milk?


Au cinéma, le lait est généralement associé à l'enfance et au réconfort.

Quelques films se sont toutefois amusés à pervertir cette boisson à la blancheur optimiste. Dans Alien, le robot Ash suinte un liquide blanchâtre et lorsqu'il est décapité, des petit jets de lait sortent de son cou - symbole éjaculatoire évident. 

Kubrick est allé encore plus loin avec Orange Mécanique en faisait du lait la boisson de la violence extrême : entre deux tabassages, Alex et son gang se retrouvent au Korova Milk Bar pour s'enfiler des grands verres de lait rehaussé au speed. 

Venons-en à La Fureur de vivre. James Dean y est un ado bagarreur, mal dans sa peau, sans raison évidente de vivre - un Rebel without a cause titre le filme en VO.


Après avoir participé à une course de voitures volées où son adversaire à trouvé la mort, précipité du haut d'une falaise, James Dean rentre chez lui secoué. Dans le salon, son père s'est endormi dans le fauteuil. James descend alors une bouteille de lait, de celles que le livreur dépose chaque matin sur le pas de la porte.



La blancheur éclatante de la boisson tranche avec la pénombre de la pièce et s'oppose au rouge de son blouson.


Le critique Michel Cieutat analyse cette scène comme suit : 

"Le lait signifie ici le désir qu'éprouve Dean de surmonter cette crise, dont il n'est pas directement responsable, mais qu'il lui faut néanmoins résoudre lui-même." (1)

Car une fois ses parents réveillés, le jeune homme avoue sa faute et confie sa volonté d'aller se rendre à la police. Les parents s'opposent à cette idée et proposent une solution déjà éprouvée à chaque fois que James Dean a fait une grosse connerie : déménager. Mais James ne veut pas déménager.


"Cette bouteille de lait, outre le rafraichissement qu'elle lui procure, signifie donc le profond désir que ressent Dean de dominer son désarroi, mais aussi sa volonté de repartir dans la vie sur une base plus saine", ajoute Michel Cieutat

En vain. Ne supportant plus l'apathie de son père, il tente d'étrangler ce dernier et s'enfuit de la maison non sans crever d'un coup de pied un tableau représentant sa mère. 


En ouverture du film, on découvrait, au poste de police, James Dean totalement bourré, "comme un grand", pourrait-on dire. Plus tard, il tentera de se réfugier dans le lait, boisson maternelle : le jeune homme est décidément tiraillé entre une enfance qu'il sait perdue et un monde d'adulte qu'il redoute autant qu'il l'abhorre.


La Fureure de vivre (1955), de Nicholas Ray, avec James Dean, Nathalie Wood. 


(1) Michel Cieutat Les Grands thèmes du cinéma américain, Cerf. 


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